R&V : Quelle est lâorigine du conflit actuel ?
JB : Un licenciement abusif chez Véolia. Un chauffeur ramène la caisse de son bus un matin parce quâil nây avait personne la veille dans les bureaux qui la remettre. Il est accusé de vol et licencié. Il y a négociation. Un protocole dâaccord est signé en janvier 2007. Il nâest toujours pas appliqué aujourdâhui. En Novembre, les camarades de son entreprise se mettent en grève, soutenus par lâUSTKE, et installent des piquets de grève. La tension monte et en Janvier 2008, lâaube, les gendarmes et le GIPS (forces de police cagoulées, flash-balls et compagnie) encerclent puis chargent les militants présents. Des violences policières absolument invraisemblables ! Des gens tabassés terre, attachés les uns sur les autres et entassé par 20 dans les fourgons de police. 50 arrestations et 15 personnes jugées en comparutions immédiates pour « attroupement armé » parce quâils ont jeté des cailloux ! Comme ils refusent la comparution immédiate, ils sont emprisonnés un mois. A la mi-février le procès lieu. Ils sont libérés lâaudience. En effet, on ne peut pas juger en comparution immédiate pour attroupement, car lâattroupement, et câest une information importante pour un journal militant, est le dernier délit politique du code pénal. Il date de 1848 et a été renforcé en 1934, après les affrontements de la place de la concorde avec les cagoulards. Les délits politiques imposent automatiquement une enquête, et donc interdisent la comparution immédiate. On a donc obtenu leur libération.
Rouge & Vert : Au même moment, il y avait le siège de lâUSTKEâ¦
José Bové : LâEtat a voulu abattre le syndicat en interpellant ces leaders, notamment son président Gérard Jodar et plusieurs vice-présidents, le jour même de la descente sur les piquets de grève. Dans les jours qui ont suivi, ils ont arrêté dâautres leaders du syndicat chez eux, six heures du matin, en fracassant les portes, en renversant tout. Les responsables du syndicat, eux, se sont enfermés au siège du syndicat, immédiatement assiégé par la police et défendu par les militants. Pendant un mois, ils sont restés enfermés au siège du syndicat, avec tout le quartier bouclé. Fouilles systématiques, quartier sous surveillance, hélicoptères en position stationnaire plusieurs heures par jour. . . Bref un état de siège. Et le premier jour où les copains sont sortis du siège du syndicat, ça a été pour le procès. Ãa a été une vraie gifle pour la justice coloniale : ils ont dû en même temps libérer les 15 inculpés et les personnes quâils traquaient sont venus sous leur nez au tribunal (ils ne pouvaient pas arrêter des personnes citées comme témoin se rendant au tribunal). Plus de 1000 syndicalistes ont fait le siège du tribunal jusquâ notre sortie, 21h.
Ce moment de mobilisation très fort a permis de faire durer le mouvement. Malgré la répression, le piquet de grève est toujours sur place, avec une solidarité extraordinaire puisque les gens se relaient par branches.
R&V : Et aujourdâhui ?
JB : Des procès sont en cours. Il y a une véritable volonté de casser le mouvement. On ne sâattend aucune clémence du tribunal. Il y a eu une nouvelle convocation des responsables de lâUSTKE. Ils ont été libérés après 12h de garde- -vue grâce au siège du commissariat central de Nouméa que nous avions organisé. Huit salariés de lâentreprise du patron du MEDEF local qui avaient participé au rassemblement de soutien le jour du procès ont été licenciés pour absence injustifiée. LâUSTKE est allée manifester devant le siège du MEDEF et, après une heure de stationnement pacifique, ils ont subi une intervention du GIPN cagoulé et armé pour les déloger. Nouvel accrochage. Il y a un durcissement des positions. Nous avons organisé une manifestation rue Oudinot, devant le ministère des colonies**. Nous avons été reçus par un représentant du ministre. Ils se sont engagés inciter Véolia ouvrir le dialogue. Parce quâil faut trouver un débouché. De toute façon, (et câest un peu la spécificité de lâUSTKE), ils ne lâchent pas tant quâils nâont pas gagné. Par exemple, pendant le dernier conflit dur, lâUSTKE avait totalement bloqué pendant plus de six mois la fabrication du ciment sur lâîle. à la fin du conflit, ils ont produit eux-mêmes le ciment et ils lâont vendu pour payer les grévistes. Câest un vrai syndicalisme de combat.
R&V : Véolia est surtout implanté en France. Y a-t-il une mobilisation syndicale en métropole ?
JB : Il y a eu une manifestation devant le siège de Véolia organisée par la CGT et SUD ainsi quâun tractage lâintérieur de lâentreprise, réalisé par FO. Sâil nây a pas dâévolution positive, cette mobilisation devra sâamplifier. On envisage un évènement festif et politique Paris pour mettre cette question en avant. Il y a une véritable omerta en métropole sur ce qui se passe en Kanaky.
(...)
Interview réalisée par MC
mercredi 2 avril 2008
Voir sur Nimes Luttes Solidarités
http://alternatifsgardois.free.fr/spip.php ?article126